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Une envie de pouponner...
Pour le moment, le sort s'acharne
... Les traitement et les FIV s'enchainent...
On rassemble nos forces, on essaie de garder espoir et on continue de se battre !

mardi 18 décembre 2012

De l'autre coté du miroir

Il n’est pas de commentaires assez élogieux pour célébrer les succès de l’assistance médicale à la procréation (la fécondation in vitro, la FIV, avec ses embryons congelés ou le diagnostic préimplantatoire) et ses enfants du miracle. Nul ne peut contester qu’il s’agit là d’une brillante mutation de la biologie de la reproduction de la fin du siècle dernier, et que Robert Edwards mérite bien le prix Nobel de médecine qui lui fut attribué en 2010. Des images largement diffusées d’embryons artificiellement fécondés, magnifiés par le microscope, à celles de fœtus suçant leur pouce, en passant par les naissances de bébés «éprouvette» aux parents rayonnants, tous les ingrédients médiatiques ont été réunis pour faire chavirer les cœurs. La philosophie a apporté son grain à moudre à propos de cet embryon «nouveau», conçu hors du corps de la mère : est-ce un bébé potentiel ? Est-ce son ADN humain qu’il faudrait respecter ? Ou s’agit-il d’un simple amas de cellules ?

On aurait mauvaise grâce à briser le rêve, surtout en ces temps incertains où les bonnes nouvelles n’abondent pas. Mais si, pour une fois, on regardait quand même le revers de la médaille ? Il faut savoir que, pour ce qui est de la FIV, le bonheur se mérite et parfois durement. Les traitements d’induction de l’ovulation, la disponibilité qu’ils exigent, les interminables trajets dans les embouteillages et/ou à potron-minet, les arrêts de travail, la fatigue, la douleur, les problèmes sexuels de couples dont la vie intime est entamée par les investigations et traitements en tous genres, les sacrifices financiers… tout cela a un coût. Et au bout du compte l’espérance, si légitime et si fragile, à la fois force et leurre, mobilise une telle densité d’énergie qu’elle prend de terribles coups de boutoir, sauf pour les mieux armés, du fait des échecs pourtant prévisibles de ces traitements.

Au final, la réalité est rude : dans le domaine de la FIV, les échecs surpassent largement les succès. Ce n’est pas une critique, mais une information. Les dernières statistiques publiées par l’Agence de la biomédecine indiquent que pour un total de 122 056 tentatives d’assistance médicale à la procréation (AMP), toutes techniques confondues, 20 657 enfants sont nés vivants en 2007. C’est beaucoup, sans doute, mais ce taux de succès pose question car il ne dépasse pas 20% dans les meilleures indications (il est d’un sur cinq). Et on ne peut que constater qu’en fin de parcours, 80% des patientes repartent sans enfants. C’est loin, reconnaissons-le, d’être la panacée que l’on met volontiers en exergue.
S’ajoute à tout cela - pour les femmes en premier lieu - la pression du temps qui passe ; la fameuse horloge biologique tourne implacablement. Or, en France, les tentatives d’AMP prises en charge par l’assurance maladie sont au nombre de quatre, pas plus. Après 43 ans les chances de grossesse, hors don d’ovocytes, rejoignent celles de la fécondité naturelle, à savoir zéro ou presque, donc plus question d’AMP, sauf recours à un don de gamètes. Or il y a trois ans d’attente en France pour bénéficier d’un don d’ovocyte !
Ce n’est donc pas par hasard que des cliniques, à l’étranger, offrent à prix d’or des ovocytes à des couples français, involontaires «touristes» de la procréation, avec un taux de grossesse annoncé de 60%. Chiffres un peu trop accrocheurs, à prendre avec précaution. Car ces taux de fécondation et le nombre d’enfants nés vivants (à peu près trois fois moindre) rejoignent en réalité les données connues, qui sont les mêmes à peu près partout.

Loin de se définir par la fécondation, un début de grossesse après une FIV ne commence en effet que quinze jours après le transfert de l’embryon dans l’utérus, à la nidation. Et la vraie réussite ne se mesure qu’au retour à la maison avec des bébés bien portants. Le succès consiste aussi à n’avoir qu’un ou deux bébés, mais pas plus. Plus nombreux sont les embryons transférés dans l’utérus, plus importantes sont les chances de grossesse, mais plus grands sont aussi les risques de grossesses multiples. Il en résulte autant d’enfants exposés aux possibles handicaps, éventuellement sévères, liés à la prématurité. Avec parfois le terrible dilemme de la réduction embryonnaire : en éliminant in utero les embryons «en trop», celle-ci permet de n’en garder que le «juste» nombre ; lesquels choisir alors ? Et s’il n’en restait aucun, au bout du compte, à cause d’une fausse couche provoquée par le geste de la «réduction» (horrible vocable…) ?
Sur ce point le taux de grossesses multiples des centres français d’AMP - au-dessus de 15% - n’arrange pas le tableau. Chez nos voisins, scandinaves, belges ou britanniques, la politique est de ne transférer - sauf exception - qu’un seul embryon, ce qui a permis de ne pas dépasser l’incidence naturelle des grossesses multiples. C’est moins glamour, mais beaucoup plus prudent.

Si l’on regarde bien de l’autre côté du miroir, force est de s’interroger : combien de laissés-pour-compte, combien de ruptures de couples durant l’AMP ? Comment panser les blessures narcissiques des patients pris dans ce maelström médical ? Ceux qui sont restés au bord de la route ont le sentiment d’être les mauvais élèves de l’AMP. «Nous sommes de mauvaises répondeuses», disent souvent les femmes ! Comment les aider à faire leur deuil d’un projet parental tellement investi ?
La récente loi de bioéthique du 7 juillet 2011 préconise le renforcement de la prise en charge psychologique des couples traités par AMP. Mais cela restera un vœu pieux tant qu’une aide concrète ne leur sera pas proposée. Il est essentiel de fournir en premier lieu une information correcte. Puis de proposer une prise en charge de l’angoisse que ressentent les couples engagés dans ce parcours du combattant. Faute de quoi, ces patients continueront de ressasser en boucle leur échec ainsi que leur sentiment de dévalorisation et de culpabilité. Alors que, on l’a vu, c’est souvent la technique elle-même qui est en cause ! Sans vouloir brider ni briser l’engouement pro-FIV ni démystifier la magie de l’éprouvette, le temps semble venu d’allumer quelques clignotants de précaution pour s’éviter de trop cruelles désillusions. Les cicatrices sont profondes quand, après la FIV, les berceaux restent vides.

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