(en même temps, un an sans nouvelle...)
8 ans d’attente.
Je crois mettre imaginer la scène un bon millier de fois. Ce
sera le jour où ma vie basculera…
Comment je l’annoncerai à l’homme ?? Et puis à nos amis, à nos parents.
Toutes les possibilités sont envisagées, des scénarios les
plus simples aux plus burlesques, j’ai tout imaginé !
Et puis il y a la vraie vie, les claques au fur et à mesure
des échecs… Jamais d’annonce à faire.
3 inséminations, 8 fécondations in vitro, 2 transferts d’embryons
congelés (sans compter les FIV annulées en cours de traitement qui ne donneront
pas lieu à un transfert).
10 transferts d’embryons, 18 embryons transférés en tout.
Le dernier, le 10ème transfert, les embryons n°17
et n°18…
La semaine après le transfert se déroule toujours de la même
manière…
Une grande impatience, ce temps qui ne s’écoule pas, chaque
minute qui dure une heure. Pourquoi le temps devient-il infini à ce
moment-là ???
A l’approche de la prise de sang, je ne veux plus savoir,
j’ai la trouille, je ressens les symptômes prémenstruels qui annonce la même
issue…
Des tâches même, je me décompose, je pleure.
Et puis intuition ou usure, le lendemain, je ne me suis pas
sentie aussi déprimée que d’habitude.
J’ai fait ma prise de sang avec un jour d’avance, histoire d’anéantir
tout espoir.
Il est midi, je suis au bureau, je reçois les résultats par
mail.
32 ui.
Je ferme mes mails, je regarde le sol, je suis certaine
d’avoir mal vu ?
Je rouvre mes mails.
32 ui, c’est bien mon nom, mon prélèvement.
Je suis enceinte.
Oh, je sais bien que le taux est faible, mais qu’importe,
BORDEL, c’est la première fois.
Je m’enferme dans une salle de réunion, je téléphone à
l’homme.
« Je suis enceinte ». Silence.
8 ans qu’on attend ça, on ne sait pas quoi se dire, sauf
qu’il faut être prudent, voir comment évolue le taux.
En tout, j’ai réalisé 11 prises de sang, pendant 3 semaines.
L’évolution attendue ne s’est jamais produite. Il fallait
que ce taux double toutes les 48h, mais ça n’a toujours fait qu’entre x1,5 /
x1,9. Qu’importe, le taux grimpait régulièrement, les gynécos nous ont dit que
ce n’était pas une science exacte, que l’évolution devait être régulière et qu’à
partir de x1,5 c’était bien. On était dans les (petits) clous et c’était bien
là l’essentiel.
Cet embryon (oui, avec ce taux, on se doutait bien que je n’attendais
pas des jumeaux !), je l’ai couvé, je lui ai donné toute ma confiance, de
jour en jour. J’ai cru en lui. Je l’ai nourri d’utrogestan 3 fois par jour. Je
suis restée allongée 3 semaines, tant que j’avais des pertes brunes.
Pourtant, avec l’homme, nous n’avons fait preuve que de
prudence. Aucune effusion de joie, nous étions trop paralysés par la peur, seulement
beaucoup d’espoirs. D’immenses espoirs.
Au bout de 10 jours, la suspicion de grossesse extra-utérine
a quand même écorché ces espoirs, violemment. Mais toujours la confiance,
toujours le désir immense d’avoir, pour une fois, un peu de chance.
Au bout de 4 semaines, la grossesse extra-utérine a enfin été écartée, mais
l’évolutivité de la grossesse sérieusement mise à mal…
Et on a commencé à trembler…
Comment se préparer à une fausse couche ??
8 ans. 1 seule accroche. 1 fausse couche.
Certains diront que ça marchera la prochaine fois…
8 ans pour 1 grossesse, la prochaine fois, j’aurai 41 ans…
On n’est pas rendu les amis !
Je ne fêterai pas mes 33 ans le ventre plein d’espoir,
J’irai au baptême de la fille de ma chère belle-sœur le ventre vide,
Je n’aurai pas le jonc tant désiré pour mon anniversaire,
pour ensuite y suspendre la médaille de l’initiale du prénom du bout de chou,
Je ne me pavanerai pas sur la plage avec un beau bidon cet
été,
Je ne parlerai pas prénom avec mon chéri,
Je n’accoucherai pas mi-novembre,
Je n’élèverai pas mon homme au statut de papa en novembre
prochain,
Je ne serai pas mère…
La liste des « Je ne » est beaucoup trop longue…, beaucoup
trop déprimante…
Je ne trouve pas les mots pour définir ce nouveau vide, cet
état soudain.
Lundi à 10h, à 7 semaines d’aménorrhée et 3 jours (ou 8
semaines d’aménorrhée – les gynécos n’ont pas tous l’air d’accord sur la date…
le 1er jour est-ce la fécondation ou la date du transfert ???),
l’interne nous disait que le sac intra-utérin avait évolué positivement, qu’il
était certes petit pour le terme, mais qu’on se laissait 7 jours
supplémentaires pour analyser l’évolutivité de la grossesse.
A 12h, les saignements commençaient…
Le lendemain matin, je constatai être couverte de sang jusqu’aux
genoux et avoir perdu beaucoup de membranes et caillots. A 12h, un autre
interne confirmait que le sac était évacué, mais qu’il restait encore beaucoup
de résidus à évacuer…
Je ne suis plus enceinte. Depuis le 1er
avril, je ne suis plus enceinte et ce n’est pas une blague.
Encore 7 jours d’attente avant le prochain contrôle.
Mais moi, je fais quoi pendant ces 7 jours ?
Je dors, je pleure, je lis, je pleure, je dors.
J’essaie d’évacuer physiquement et mentalement .
Comment abandonner tout l’espoir nourri ces dernières
semaines ?
Comment reprendre une vie normale ? Travailler, manger,
dormir, parler de tout et de rien, parler avec des gens qui ne savent rien de
ma situation, gérer la chute d’hormones, ne pas sombrer…
Je me sens juste mal, triste, d’une tristesse immense…
Techniquement, j’ai peur d’une fausse couche incomplète qui
viendrait encore compliquer la suite de notre parcours (à priori, c'est plutôt bon, l'évacuation est en bonne voie).
Mais je me demande surtout comment nous allons surmonter
cette perte, certes d’un tout petit embryon, mais qui avait déjà une si grande
place dans nos cœurs…
38 jours de grossesse depuis le transfert, 28 jours que nous
étions sûr qu’il était là.
Aujourd’hui, je pleure.
Sur cette vie en devenir qu’on nous a volé, sur la vie à 3
que j’attends depuis 8 ans et dont je tenais la promesse au creux de mon
ventre…
Monter dans le train, sortir du tunnel, je l’ai souvent
imaginé et rêver. Jamais je n’avais imaginé cette situation si inconfortable,
si angoissante…
Est-ce que je revivrais une grossesse ?
Sera-t-elle plus sereine, malgré l’angoisse qu’une fausse
couche se reproduise ?
Comment reprendre confiance, en moi, en nous, en nos
embryons ?
Quand serons-nous prêts à recommencer ?
Serons-nous assez forts pour dépasser notre tristesse ?
Quelques amies m’ont encore soutenue d’une manière
incroyable. Venir me voir, m’appeler tous les jours sans avoir toujours quelques
choses à se dire, recevoir des SMS, c’est un soutien indescriptible.
Dans ces moments-là, on n’a pas toujours envie de parler, on
a pas toujours envie de voir du monde, mais on a besoin de sentir qu’on pense à
nous, qu’on a du monde sur lequel s’appuyer… Si les gens n’appellent pas, on a juste
l’impression d’être terriblement seule !
Et sentir quotidiennement que les gens pensent à nous, sont
là, alors que leur place est difficile à trouver et qu’ils ne savent pas
toujours quoi nous dire, c’est un soutien exceptionnel.
M’écouter, prendre de mes nouvelles, parler de tout et de
rien, me raconter des conneries, c’était salutaire ! en effet, 5 semaines à la maison, c'est LONG...
L’étape suivante c’est la reprise du boulot, le retour à la
vie normale, et je l'espère, la fin des complications médicales (ulcère, ballonnements, migraine, ...).
Je ne tiens pas debout, je pique du nez à 14h, mais ça fait
du bien de penser à autre chose.
Le temps pansera les plaies, les miennes, celles de l’homme
(qui a sacrément morflé dans cette épreuve, entre les angoisses de la grossesse
et l’impuissance à me regarder souffrir physiquement sans rien pouvoir y faire…),
la vie reprendra son cours, dans quelques temps, malgré notre fardeau, alourdi
d’un poids supplémentaire.